SAMOSELY (2)

 



A la télévision, aucune information digne de ce nom ne filtrait. Comme d’habitude, on rassurait la population en disant que les autorités « gardaient tout sous contrôle ». Mais c’était quoi ce tout ? Les journalistes étaient rassurants, souriants même. Ils parlaient d’un rayon invisible nocif qui miraculeusement avait pu être stoppé avant qu’il n’atteigne les villes voisines. « On nage en pleine science-fiction ! » se disait Irina tout haut, donnant ainsi l’impression fugace qu’elle parlait à quelqu’un  dans la pièce. A force de vivre seule, elle avait développé quelques manies dont elle était incapable de se débarrasser. Etait-elle donc la seule à observer le manège nocturne des camions ?

Et puis une nuit, les chevaux de Troie modernes ne vinrent pas. C’était la première fois depuis vingt-huit nuits. Entre temps, en journée, Irina s’était rendue compte que le silence de son immeuble était plus oppressant que d’habitude. Peu de fenêtres avoisinantes étaient encore ouvertes. Il n’y avait plus d’enfants qui criaient sur la place. Une voiture venait, de temps en temps, traversait la rue, puis plus rien. Enfin, le commerce en face de chez elle, endroit stratégique car c’était le seul endroit qui la poussait à quitter son nid et affronter le monde extérieur, était résolument fermé. Même si elle avait pris l’habitude de se nourrir avec parcimonie, vestige d’un temps où les privations étaient plus nombreuses, ses réserves alimentaires n’étaient pas éternelles. Il fallait trouver un plan B.

Sortir.

Sortir et chercher.

Sortir, chercher et affronter le monde extérieur.

Irina décida de se donner quatre jours pour se faire à l’idée. Quatre jours pour faire le point. Elle sortirait un mardi, jour habituel du marché, avant la catastrophe.

(A suivre)


@Virginie Neufville